Un sondage de 2016 portant sur 700 entreprises françaises non cotées de 20 à 1000 salariés, indique que 2% seulement des PME de moins de 50 salariés et 7% seulement des PME de plus de 50 salariés ont ouvert le capital à leurs salariés (https://www.eres-group.com/etudes-et-enquetes/bdo-et-eres-devoilent-les-resultats-de-la-1ere-etude-quantitative-sur-lactionnariat-salarie-non-cote-en-france/), alors que cet actionnariat est quasi systématique dans les grands groupes (93% des entreprises du CAC 40) et dans les start up.
Les raisons de ce décalage sont nombreuses. Elles tiennent tout à la fois aux réticences des salariés (seule une entreprise particulièrement solide et dynamique justifierait que le salarié prenne un risque d’investisseur minoritaire de long terme) et des dirigeants qui peuvent douter des vertus de l’actionnariat salarié à court terme (la motivation et la fidélité des salariés dépend de multiples ressorts largement indépendants de la qualité d’actionnaire), et à long terme (les intérêts des actionnaires pourraient diverger au moment de certains choix tactiques ou stratégiques). Aussi, l’actionnariat salarié des PME est-il le plus souvent réduit à certains contextes très particuliers où il apparaît incontournable pour intéresser quelques hommes clés. Elles tiennent aussi aux limites et lourdeurs réglementaires de certains dispositifs (malgré quelques simplifications introduites par la Loi Pacte du 22 mai 2019) théoriquement conçus pour développer l’actionnariat salarié dans toutes les entreprises, mais qui sont en pratique réservés à celles (les plus grandes) qui peuvent en confier la gestion à un tiers (PEA PME/ETI, PEE au nominatif, FCPE ou SICAV d’actionnariat salarié, offre de cession d’actions réservée aux salariés par exemple). Si l’on voulait réduire ce décalage, il faudrait exclure en cette matière toute parenté de régime juridique entre les PME et les grands groupes cotés en Bourse, et partir au contraire des spécificités économiques des premières. Or, quelle est la "réalité" de la grande majorité des PME, et particulièrement de celles qui connaissent un développement rapide ? Côté entreprises : une trésorerie tendue excluant ou minorant les dividendes aux actionnaires et les capacités de rachat de leurs titres en cas de cession d’un actionnaire. Côté salariés : une trésorerie personnelle tendue excluant ou minorant leur capacité d’investissement, qui plus est dans un placement coûteux, non liquide et risqué. En pratique, on le sait, très peu de patrons font fortune en gérant leur PME parce que la raison (la trésorerie…) leur commande de limiter au maximum les charges fixes et variables non impératives, puis de réinvestir l’essentiel des profits (quand il y en a) dans le développement de l’entreprise. En revanche, de nombreux dirigeants sont devenus riches en revendant leur affaire. C’est à ce moment-là seulement (si l’on excepte d’éventuels dividendes antérieurs), au « beau » jour de la cession de ses titres, que le dirigeant d’une PME pourra mesurer vraiment le succès de son entreprise et… qu’il pourrait concrètement associer les salariés au partage de sa valeur, enfin liquide. La solution serait donc avant tout de faciliter toutes les formes d’accords de rétrocession d’une partie du prix de cession de la société aux actionnaires salariés, et ce, indépendamment de leur part au capital (cette part étant forcément réduite ou symbolique compte tenu des moyens financiers limités de la plupart des salariés). Ce mécanisme simple et cohérent de partage de la valeur créée pourrait passer par une promesse de versement d’une partie du prix de cession inscrite dans un pacte d’actionnaire. Une telle option est malheureusement condamnée aujourd’hui par un régime fiscal dissuasif, la rétrocession risquant d’être requalifiée en salaires. La loi PACTE (art. 162) a bien tenté d’apporter une réponse à cette impasse réglementaire, mais la rétrocession permise est trop faible (10% max. de la plus-value totale, limitée à 30% du PASS par salarié, soit 12340 Euros en 2020), et encore cette somme doit-elle être versée sur un plan d’épargne entreprise (PEE) préexistant. Malheureusement pour les salariés, avant la cession de l’entreprise, il est généralement trop tôt pour espérer. Après, il est toujours trop tard pour regretter.
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