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L’Aventure l’Oréal - François DALLE - Odile Jacob 2001.

Updated: 3 days ago





Faire le « grand L’Oréal »…, des années 40 aux années 80, François DALLE y est parvenu, au fil de l’une des plus belles aventures de l’industrie française. Les mémoires qu’il nous livre sont divisés en deux parties également passionnantes : la première retrace les grandes étapes de sa carrière, la seconde résume ce qu’il appelle l’ « esprit L’Oréal », sa doctrine managériale.

Quelques « idées simples » de ce bâtisseur exceptionnel :

• Au commencement, il y a le choc de la Libération qui offre le « spectacle de l’abondance matérielle que donnaient alors les armées américaines. Je n’avais plus qu’une idée en tête, faire aussi bien et si possible mieux que les Américains. Un irrépressible besoin de création de valeur s’est emparé de moi » (P.15).

• Entré pendant la guerre comme stagiaire chez MONSAVON (filiale de L’Oréal), il ressent une « soif d’action (…) une surexcitation dont le rythme (l)’accompagna d’ailleurs pendant toute (sa) vie d’entrepreneur » (P.39). Il y revient quand, devenu l’adjoint du fondateur, il évoque « le tourbillon Schueller » (P.63), le « maëlström » des marchés (P.164) puis le « mouvement brownien » (P.248) de l’entreprise que devrait entretenir son propre successeur.

• « Gérer les problèmes, ce n’est pas les résoudre. C’est le contraire d’entreprendre » (P.335). Entreprendre, c’est être créateur : « Faire, défaire pour mieux faire » selon la devise d’E. Schueller. Pour y parvenir, il faut « organiser le désordre, car une certaine dose de désordre est indispensable à la création » (P.268). Un désordre qui doit cependant procéder d’une méthode cherchant avant tout à « orienter vers la création les esprits de mes collaborateurs, depuis les vendeurs sur la route jusqu’aux chercheurs dans les laboratoires, en passant par les chefs de produits » (P.269 - P.295).

• Il ne faut « pas trop se fier aux confidences et aux opinions des gens du siège social, ne pas s’attarder non plus à regarder les chiffres comptables et les statistiques ; aller sur place, aller sur le terrain comme disent volontiers ceux qui n’y vont jamais » (P.68). « C’est dans les endroits où se font, se vendent et se consomment les choses que naît le progrès ; c’est dans les usines, les magasins et les foyers plutôt que dans la caverne-aux-ordinateurs » (P.258). Il faut entretenir « l’esprit de bivouac » à tous niveaux et les hommes d’état-major doivent être recrutés parmi ceux qui se sont formés « sur la route » et qui ont bataillé « sur les coteaux » (P.329). La vie de L’Oréal « ressemble plus à celle d’une armée en campagne qu’à une vie de caserne » (P.380).

• « Le succès d’un produit est fait d’un subtil dosage de nombreux facteurs : sa qualité intrinsèque bien entendu, mais aussi la qualité de l’information publicitaire diffusée à son sujet, son prix, son conditionnement et jusqu’au graphisme de son nom, de sorte qu’on éprouve toujours la crainte que la réussite ne puisse se répéter facilement » (P.280 - P.321). Chaque détail compte, aussi ignorait-il ceux qui le raillaient de passer « tant de temps à choisir lui-même l’étiquette de ses produits » (P.328). Il savait que le simple changement de nom d’un produit pouvait multiplier, du jour au lendemain, les ventes par trois !... (P.81). Mais, s’ils s’étaient « tous piqués au jeu de la création publicitaire » (P.81), la question primordiale restait, à chaque nouveau lancement, « de savoir si nos produits étaient bien d’une qualité supérieure - ne serait-ce que légèrement supérieure - à celle des produits concurrents » (P.264). Car in fine, « le produit est la meilleure publicité du produit » (P.132). « C’est un fait d’expérience : la plus petite différence de qualité finit toujours par être perçue par le consommateur » (P.55) et « la mise en avant de sa performance technique permettait de faire prendre beaucoup plus rapidement à un produit, sa place sur le marché, et à moindre coût » (P.308).

La recherche est « le moteur de la croissance » (P.301) et l’origine du « supra de qualité » (P.263). D’ailleurs, après la grande réorganisation du début des années 70, le président s’entoure de vice-présidents, mais il continue d’animer directement « la recherche, le marketing et la distribution » (P.164).

• « Il faut avoir le courage d’engager les dividendes de la prospérité dans de nouvelles aventures, donc de nouveaux investissements ». Il critique spécialement les « comportements paresseux » des entreprises qui « n’ont qu’une idée, se recentrer sur leur métier » (P.280). Si L’Oréal a pris des risques (sortir de son métier - la coiffure - pour aller sur les marchés publics, s’implanter à l’étranger, acheter des entreprises éloignées de son core business, lancer quantités de produits nouveaux, ruptures radicales ou - plus souvent - améliorations de détail…), ses dirigeants n’ont toutefois « jamais vidé la caisse pour faire une brèche sans s’être assurés qu’en cas d’échec, ils pourraient disposer, dans d’autres activités, de ressources permettant de rééquilibrer leur exploitation et de regarnir leur caisse de compensation » (P.289).

• « L’entreprise est comme un végétal. Elle a besoin, pour se développer, d’un sol fertile et de terreau, ou d’humus » (P.274). Au-delà de l’actif comptable (qui peut être négatif, comme ce fut le cas de Garnier au moment de son rachat par L’Oréal au début des années 60), c’est cet « actif potentiel » qu’il convient de créer/d’apprécier et de « travailler correctement » (P.109).

• N’oubliant pas qu’E. Schueller était fils de pâtissier (P.84), il proclame « que nous devions tous nous considérer (…) comme des autodidactes » (P.383), et lutter contre « le clientélisme, les camarillas et les copineries d’écoles » qui « créent des solidarités de circonstance, encouragent les corporatismes, dévalorisent la réflexion personnelle, censurent les manifestations individuelles d’originalité et font miroiter l’espoir qu’on peut accéder au pouvoir sans compétence » (P.382). Ainsi, les vendeurs doivent savoir rester « des hommes modestes, des hommes de qualité, de grande courtoisie, des hommes qui expriment la joie de vivre, le respect du voisin et l’amour du client » (P.346). Les jeunes collaborateurs doivent être « capables de conduire le changement, ce qui signifie qu’ils doivent faire preuve d’imagination, mais aussi d’une grande capacité de résistance à l’épreuve et qu’ils soient animés par une ambition qui n’exclut pas la générosité, faute de quoi ils pourraient inspirer autour d’eux l’irrespect et la défiance » (P.380). Pour les chercheurs aussi, les vertus cardinales sont « l’imagination et l’acharnement », « l’excès d’érudition (pouvant) même entraîner parfois le découragement » (P.302). L’esprit général est partout celui d’un « taylorisme à l’envers » (P.276), car « le taylorisme signifie : spécialisation des méthodes et massification des structures. Ses effets pervers sont : dans l’ordre social, la démotivation des travailleurs et, dans l’ordre économique, les carences de créativité, les rigidités de fonctionnement et les résistances au changement des grandes organisations » (P.356).

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